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Je suis Noëlophobe c’est grave Docteur ?

Pour beaucoup, Noël est un cauchemar. On les appelle les « Noëlophobes »....

Ce n’est pas une phobie au sens pathologique du terme mais pour beaucoup, Noël est un cauchemar. On les appelle les « Noëlophobes ». Ce terme représente l‘angoisse de ce rituel de fin d’année plus connue sous le nom de « natalophobie ».


Il y a une nuance importante à avoir en tête car il ne s’agit pas de ne pas aimer Noël mais de mal le vivre. C’est une réponse à notre besoin de “faire famille” entretenant ainsi une base de liens affectifs qui, selon moi, explique bien plus le succès de Noël que l’aspect consumériste de cette fête.


Des questions méritent d’être soulevées : En quoi les Noëls de notre enfance conditionnent-ils les fêtes de fin d’années à l’âge adulte ? D’où viennent nos conflits psychiques ? Pourquoi renoncer à des scénarios familiaux peuvent-ils générer plus de liberté individuelle ?


🎄 “Vivement la fin” (J-24)

Noël vient questionner la place que l’on a dans notre famille depuis toujours et sur le degré de liberté qu’on s’y donne : “Est-ce que je vais pouvoir être moi-même cette année ?”.

C’est aussi un moment de contraintes familiales. Nous vivons dans un monde où nous cultivons l’indépendance. “Faire des efforts pour ma famille ? — Ok je vais déjà jouer le jeu pour mes enfants et après on parlera des grands-parents !”.


C’est aussi beaucoup de pression qui demande une organisation extraordinaire pour l’hôte, où il faut zéro fausse note car cette soirée doit être réussie à tout prix. Voyons cela comme une performance. Mais pourquoi vouloir en faire autant ? Beaucoup dirait : “Parce que ça me fait plaisir de tous vous avoir”. Certes, mais ce qui se cache dans nos inconscients fait écho à une faille qui vient réveiller chez nous des enjeux narcissiques du genre : “Est-ce que je vais être aimé ? “vais-je réussir mon repas ?”. Elle ravive un peu plus nos peurs et nos zones d’inconforts.


Il y a aussi cette rengaine incessante : “Comment était Noël avant à la maison ?” qui nous questionne sur ce que l’on partage avec notre famille. Est-ce qu’on y est bien ? Quelle place prend-on ? Autant d‘interrogations qui cristallisent un peu plus l’état d’esprit des Noëlophobes.


Sans compter sur ces fêtes qui peuvent arriver à un moment de la vie compliqué comme par exemple un divorce, la perte d‘un emploi, un deuil, une séparation amoureuse, un premier Noël sans les enfants où l’on revit une seconde séparation laissant place à une chaise vide. On a du mal à voir ce principe de réalité qui pourtant est bel et bien là. Cette période de fin d’année qui précède le passage à la nouvelle laisse place à beaucoup de nostalgie et de tristesse.


Ces fêtes peuvent être des moments éprouvants pour beaucoup de Français. Pour autant; est-ce que les Noëls de notre enfance conditionnent les fêtes de fin d’années à l’âge adulte ?


🎄La régression à l’âge adulte

On retourne à table comme quand on était enfant alors que bien souvent nous avons les nôtres qui vacillent sur leurs chaises. Je pense à la pièce de Yasmina Reza “Conversations après un enterrement” (promis, j’ai pas fait exprès sur le titre de la pièce !) et des rituels familiaux un peu imposés qui sont en fait des occasions de rejouer des scénarios familiaux complexes.


On se rappelle nous-même la magie de notre propre Noël. Dans une joie et gaieté collective on s’amuse à faire le sapin, à acheter le tout dernier calendrier de l’avent Kinder, à faire la plus belle crèche un peu comme une madeleine de Proust. Certains continuent longtemps de croire au Père Noël…Parce que cela leur fait du bien. Parce que c’est un personnage rassurant, un guide, parfois même une figure parentale qui vient combler une carence affective.


Si beaucoup font des listes, c’est avant tout parce que cela les fait rêver. C’est un moment de puissance imaginaire incroyablement jouissif. Un acte déraisonnable qui ne coûte rien. Car le rêve, c’est gratuit.


En écrivant, j’ai une pensée “émue” pour tous ces adultes qui le soir de Noël sont plus souvent par terre au pied du sapin à aider leurs petits cousins à monter un château Playmobil plutôt que d’écouter tonton facho parler des prochaines élections présidentielles.


Noël en famille fait l’effet d’une lessiveuse : on en sort un peu essoré, pour autant on tente de faire bonne figure. Comment se sent le Noëlophobe lorsqu’il est confronté aux fêtes de fin d’année ?


🎄Le jeu des grandes familles

L’exaspération de ces retrouvailles annuelles montrent aux Noëlophobes consternés, un jeu qu’ils connaissent par coeur. Chaque membre de la famille entonne sa partition d’une façon si prévisible, tellement égal à lui-même, exactement où on l’attendait et comme on l’attendait.


Les Noëlophobes se sentent coupables de ressentir toutes ces raisons de ne pas aimer cette fête car autour d’eux tout le monde parle de cette période comme un film de Walt Disney : un joli tableau d’enfants heureux, une famille qui se retrouve entre deux chants de Tino Rossi. Cette expérience développe chez le sujet un conflit de loyauté. Le sentiment de mal-être s’impose mais la question subsidiaire pourrait-être : “Est-ce pour moi un plaisir ou un besoin de faire famille ?”.


D’une couleuvre à une autre il n’y a qu’un pas. Pourtant si près de nous, quel est le lien entre le parent et l’enfant que nous sommes ?


🎅🏻 Un air de famille

La famille … ah la famille ! C’est un lieu paradoxal empreint de constructions, de sécurisations de partages et aussi d’attentes, de pressions, d’injonctions. Et ces jolies valises on se les trimballe partout avec nous; jusqu’à la belle tablée familiale du réveillon.

Les choses se compliquent quand, à la sollicitude pesante des parents, s’ajoute la pression de “leurs inachevés”: tous leurs renoncements, ce qu’ils n’ont pas reçu, ce qu’ils auraient aimé accomplir. Leur Amour envers nous est alors pétri de contradictions. Nous savons que nos enfants ne nous appartiennent pas, mais il n’est pas si facile de les regarder grandir sans attendre d’eux qu’ils nous réparent, nous consolent, nous valorisent. Si bien que lorsque les familles se retrouvent, elles jouent des scénarios répétitifs. Les parents formulent inconsciemment toujours les mêmes demandes aux enfants qui, même devenus grands, leur adressent les mêmes reproches du style : “ne me déçois pas” versus “tu ne m’as jamais accepté”.


🎅🏻 Des rôles complémentaires

Souvent, les conflits éclatent entre le parent et l’enfant quand des changements se produisent dans leurs vies et qu’ils font des choix (divorcer, changer de métier...) qui les écartent de l’idéal projeté sur eux. Souvent, l’un des parents peut lâcher une bombe : “Qu’est-ce que j’ai fait ?” ou “qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?”.

Inconsciemment, nous sommes tous les thérapeutes de nos parents et vice-versa. Dans une fratrie, chacun prend en charge une partie de la souffrance du père ou de la mère et essaie de la résoudre. Ce qui est dur, c’est que le cadeau que fait l’enfant-thérapeute en tentant de réparer ses parents est en général mal reçu.

La magie de Noël nous renvoie à une posture d’enfant : nous campons un personnage qui ne nous ressemble pas et nous trahissons l’adulte que nous sommes. Analysons les conflits psychiques que cela entraîne.


🎁 La névrose de culpabilité

Noël, c’est aussi une succession de tiraillements intérieurs, sources de grande culpabilité. Seulement, notre société individualiste prône a contrario l’autonomie et la liberté. Premier conflit psychique.

Il y a aussi une question de temporalité (deuxième conflit). Au moment des fêtes, on doit ralentir, prendre son temps et savoir attendre (les invités, la cérémonie, le repas, les cadeaux…). À fond les ballons tout au long de l’année, nous avons perdu l’habitude de décélérer.

Troisième conflit : la question de sens. Il y a cette dichotomie entre le désir de l’individu, ses aspirations, son besoin de sens. On offre ses cadeaux, on déguste la bûche. Mais… pour quoi faire, se demande-t-on intérieurement ?

La psyché humaine est mise à rude épreuve. Et si nous écoutions nos propres envies ?


🎁 Pourquoi c’est dur de dire “non” à ses parents ?

Si l’on est empêtré dans une relation douloureuse avec ses parents à l’âge adulte, c’est que l’on redoute encore de perdre leur affection. De sa déception à la leur, c’est un cercle vicieux et douloureux qui s’instaure.

Nos parents ont longtemps été nourriciers et consolateurs. A l’âge adulte, il convient de sortir de cette idéalisation infantile, même si perdre ses “protecteurs” laisse toujours un goût salé. Observez-les tels qu’ils sont vraiment. Avec leurs faiblesses, leurs blessures, leurs défauts. Accepter de se confronter à ce qui est décevant chez eux permet de devenir plus tolérant.

Acceptez de les décevoir de manière constructive en affirmant qui vous êtes. Cette année, pas question d’attendre leur bénédiction, faites leur plutôt entendre qu’ils sont prisonniers d’une fausse image de vous. (On souffle un bon coup c’est salvateur, allez !). Vous resterez digne d’estime et d’amour aux yeux de vos parents.

Renoncer à être l’enfant parfait aux yeux de ses parents n’est pas chose aisée. Qu’en est-il auprès de sa fratrie ?


🎄Tout choix est un renoncement

Le lien entre frangins se développe toujours entre amour et rivalité. Pour que tout se passe bien, une condition s’impose : chacun doit pouvoir affirmer son identité en délimitant son territoire. Sinon, les comparaisons de l’enfance reviennent sur la table : “Elle a toujours été ta favorite de toute façon” ou “il a toujours été le macho de la famille c’est bien connu”. Et avec elles, tous les sentiments d’envie ou de jalousie dans la conquête de l’affection de maman et papa s’invitent au dessert.


Votre frère ne peut pas s’empêcher de vous mettre un taquet ? Votre sœur, de jouer la carte de la méchanceté ? Aucune raison qu’ils changent, mais vous, vous pouvez vous conditionner pour rester calme. Identifiez donc les situations douloureuses qui pourraient se présenter à vous cette année, afin de mieux vous y préparer.

Changer sa carte mère c’est bien mais imaginez 5 min la dose d’endorphine que ça peut vous apporter, c’est mieux !


🎄ET JOYEUX NOËL FÉLIX !



Non, vous n’êtes pas obligé de vous conformer au rituel judéo-chrétien et non, ce n’est pas une question de vie ou de mort. Demandez-vous ce qui vous ferait vraiment plaisir cette année : un petit voyage, faire une maraude, vous saoûler sous le Pont de Pierre avec votre meilleur ami, rejoindre les vôtres le soir du 24 à la mi-temps ?


Noël vient questionner le rapport que l’on entretient avec sa famille.Vous sentez-vous libre et autonome ? Ou enfermé dans les injonctions de vos proches ? Les fêtes sont là pour confirmer la famille idéale que l’on voudrait être, celle qui nous a manqué, mais les moments de retrouvailles révèlent l’écart entre l’idéal et la réalité. Et c’est parfois très douloureux.

Pour autant, il n’y a pas de déterminisme et votre vision peut aussi évoluer en lien avec les phases de votre vie. J’ai entendu un témoignage à la radio la semaine dernière : “ Noël a toujours été une angoisse pour moi et puis le jour où j’ai eu mon premier enfant j’ai appris à le vivre différemment, en tant que jeune maman”.


Je vous avoue que sur le coup ça m’a donné de l’espoir car oui, vous l’aurez compris si j’ai été autant inspirée sur le sujet c’est que pour moi, Noël est une épreuve depuis seize ans qui remonte au divorce de mes parents. Vais-je attendre d’avoir mon premier enfant pour mieux le vivre ? Non.


J’ai choisi mon camp; celui de renoncer à un idéal familial que je me suis construis toutes ces années, et j’apprends chaque jour un peu plus à essayer de le prendre avec légèreté. Aujourd’hui ce qui a changé ? C’est que j’ai compris que mes parents ne sont pas contre moi mais plutôt, de tout coeur avec moi.

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