top of page

Avoir des attaques de panique et ne vivre qu’une demie vie.

Témoignage de Clémence, 33 ans.

Elle a un visage de poupée. La peau claire et des yeux bleus qui transpercent l’assemblée. J’entends son rire qui résonne et d’un coup son visage se ferme, le silence s’installe. Le bruit de ses pensées commence à envahir l’espace. Le reste, c’est elle qui va le raconter. Cela va faire plus de 20 ans qu’elle vit en concubinage avec son anxiété. Comme une ombre qui plane constamment au dessus de sa tête, prête à surgir et à prendre le contrôle de sa vie à chaque instant. Intelligente, dessinatrice à ses heures perdues, sensible et rêveuse à la fois, portrait d’une jeune Aixoise, mariée et maman de deux enfants.


Clémence me raconte : “ Tout a commencé lorsque j’avais 16 ans. J’étais couchée et je ne parvenais pas à m’endormir. J’ai ressenti pour la première fois la sensation d’avoir du mal à respirer, une agitation, des palpitations et un léger malaise avec tétanie. Je suis allée voir ma mère qui était dans le salon et j’ai mis longtemps à me calmer. J’ai vécu ma première attaque de panique. Le début d’une longue série qui développera chez moi des angoisses à l’endormissement, en voiture, et dans d’autres circonstances. Depuis j’ai développé une phobie sociale liée aux regard des autres (parler en public, la foule) et une phobie d’enfermement : le noir- la nuit, les situations exiguës, être dans un avion ou sur l’autoroute…”.


Attaques de panique

Clémence n’est pas la seule à se confronter à des attaques de panique. Elles sont l’expression d’une intense anxiété ou peur. Les symptômes sont nombreux, divers et très souvent impressionnants. Cette manifestation se retrouve aussi bien chez les hommes que chez les femmes, et elle a tendance à faire son apparition dans l’adolescence ou chez le jeune adulte. Les signes les plus fréquents sont la respiration et les battements de coeur qui s’accélèrent, les tremblements, la vision brouillée, les vertiges, la transpiration… Or, toutes ces sensations sont des réactions normales de l’organisme face au danger.


Le pare-feu de sécurité

L’attaque de panique est une réaction d’alarme. L’organisme interprète un danger et réagit en fonction. Cette réaction fait partie de notre fonctionnement humain et nous a permis de survivre depuis des millions d’années. Nous réagissons très rapidement face à un danger, aucun traitement du cortex n’est nécessaire car le système limbique sous-cortical s’en occupe de lui-même. Nous sommes en quelque sorte constitués pour fuir ou attaquer lorsque nous avons peur : la digestion s’arrête, les pupilles s’écartent, le sang circule plus vite pour oxygéner le corps, la respiration s’accélère et la température du corps diminue.


Les problèmes liés à l’attaque de panique

Reprenons le cas de Clémence. Dès qu’elle se trouve en voiture sur l’autoroute et que la vitesse s’emballe elle perd pied. Aller à un concert est insoutenable, prendre un bain de foule dans une feria est de l’ordre de l’impossible, prendre la parole devant un groupe lui demande un effort considérable et lui provoque un rash cutané (=apparition soudaine et passagère de boutons ou plaques rouges sur le buste/visage). Son rythme cardiaque alors s’emballe, accompagné d’un flux de paroles incontrôlables parfois, qui peut varier en fonction de son état de stress. Plus la situation est stressante plus le débit de parole est important; on parle alors de logorrhée.


Cercle vicieux : peur — > évitement

Lors de notre entretien, Clémence me confie : “ Je redoute l’attaque de panique massive où je perds totalement le contrôle en ayant un malaise. C’est une source d’angoisse, un peu comme une épée de Damoclès au dessus de ma tête. Chat échaudé craint l’eau froide…”

En psychologie on parle de Trouble panique. La peur de déclencher une attaque de panique devient tellement envahissante que la personne doit éviter beaucoup de situations afin de contrôler la peur; voici un exemple : “ Un été, je me suis vue refuser trois barbecue entre amis. J’ai fait une anxiété par anticipation; celle d’avoir trop chaud et d’être “enfermée” dans la chaleur des braises du barbecue, liée directement à ma phobie de l’enfermement et de la chaleur.”


C’est cette pente glissante où l’individu bascule de la privatisation à un handicap social fort.


Le traitement du trouble panique

La psycho-éducation

Il est très important que le patient comprenne bien son trouble. Les manifestations liées à l’anxiété sont expliquées ainsi que les mécanismes de l’attaque de panique et le rôle de l’évitement. Il apprend ainsi à ne pas dramatiser mais rationaliser. Elles ne sont pas dangereuses mais simplement l’indication que l’organisme se confronte à un danger imminent (réel ou non).


La restructuration cognitive

La thérapie consistera ensuite à apprendre à se distancier par rapport à ses pensées. Être critique quant à leur véracité. “Je vais perdre le contrôle” n’est qu’une pensée. Se détacher de ses pensées, leur accorder moins d’importance permet en effet, d’avoir le choix de ses actions.


La respiration et la relaxation

Le “ré-apprentissage” de la respiration permet de réguler la montée d’anxiété. Reprendre la juste mesure de sa respiration est un outil très concret et rapide pour apaiser l’anxiété.


L’approche comportementale par exposition

Les expositions inciteront le patient à progressivement affronter des situations redoutées. La courbe de l’anxiété monte puis redescend. Ainsi le patient observe qu’il ne “meurt” pas d’anxiété. Elle est toujours passagère. Après avoir fait une hiérarchie des situations, le patient s’exerce à faire face à celles qui auparavant étaient évitées.

Clémence me le confirme : “ Dernièrement, je me surprise à faire le trajet seule, en voiture, le soir pour rejoindre mon école. Dans ce genre de situation, j’ai une sensation de liberté absolue, je me sens capable de tout car je suis dans mon plein potentiel. Je ne suis plus prisonnière de mes peurs et j’ai le sentiment que tout est possible. Alors qu’en étant dans ma somatisation, je ne vis qu’une demie vie.”


C‘est quand le bonheur ?

Notre entretien touche à sa fin et Clémence me dit : “ Je m’autorise à penser que j’ai le droit de faire de grandes choses et je me vois enfin actrice de ma vie. Je commence à apprivoiser ma phobie sociale grâce à la psychanalyse ainsi que ma phobie de l’enfermement. C’est progressif et il me faudra sans doute un complément en thérapie brève afin de mieux gérer ma somatisation.”


Je lui demande ce que l’on peut lui souhaiter et d’instinct elle me répond : - D’être libre de vivre ma vie comme je la rêve. La li-ber-té c’est mon maître mot ! - Comment rêves-tu ta vie ? - Ultra remplie et pleine de couleurs en étant heureuse et en m’épanouissant dans mon futur métier. - Tu peux nous raconter ce que tu as entrepris ? - J’ai repris mes études en psychothérapie l’an dernier et en Septembre prochain, je retourne sur les bancs de la Faculté de Psychanalyse en Master 1, je crois qu’enfin plus rien ne m’arrête, je me sens à ma place plus que jamais.


Les yeux humides, cet échange donne du sens au métier que je m’apprête à faire à mon tour. Je pense à Clémence et toutes les autres personnes qui se reconnaîtront. Couper ces élastiques qui enferment et serrent un peu trop fort depuis tant d’années demande une sacrée dose de courage et d’humilité.


Il n’y a pas de déterminisme et des solutions existent car oui, les attaques de panique et les troubles d’anxiété se guérissent. Les TCC (Thérapie Cognitive et Comportementale) sont les plus efficaces. Le principe de cette thérapie est d’apprendre à stopper très rapidement une crise d’angoisse, s’exercer à accepter l’anxiété et à lâcher-prise, et enfin se confronter à ses peurs grâce à l’exposition progressive. Le patient retrouve alors peu à peu sa liberté.

bottom of page